Le Cameroun s’inscrit dans cette dynamique. Alors que le pays dispose du deuxième massif forestier d’Afrique après la République démocratique du Congo (RDC), soit environ 22,5 millions d’hectares et occupe le cinquième rang africain du point de vue de la diversité biologique d’après certains chercheurs, des actions visant à préserver de manière durable le kosso sont engagées par les pouvoirs publics. « Au-delà des pressions que subit cette espèce, le Cameroun a pris certaines mesures pour sa gestion. Il l’a passé comme un produit forestier spécial de catégorie A soumise à une exploitation sous quotas attribuée par une commission interministérielle. Nous avons également élaboré un plan d’actions qui a été soumis au secrétariat de la CITES. Ce plan d’actions pose le principe des outils d’amélioration pour la gestion de cette espèce », rassure le ministre des Forêts et de la Faune, Jules Doret Ndongo.
Le commerce transfrontalier du kosso à l’arrêt entre le Cameroun et le Nigeria
La signature en avril dernier d’un accord-cadre avec le Nigeria relatif à la gestion des ressources naturelles transfrontalières, dans le cadre des échanges commerciaux sur le kosso en particulier, est un autre fait d’armes à mettre à l’actif du Cameroun. L’autorité scientifique CITES flore en charge de l’élaboration des avis de commerce non préjudiciable (depuis 2023), Germain Mbock, directeur de l’école nationale des eaux et forêts de Mbalmayo, revient sur la symbolique derrière l’inscription du kosso comme un produit spécial. « Il était considéré au départ comme bois-énergie mais pas comme un bois qui pouvait faire l’objet d’une exportation à très grande échelle. Le Cameroun fait l’objet de la recommandation de l’article XIII portant suspension du commerce. A l’heure actuelle, des études sont menées pour que nous puissions avoir certaines connaissances du potentiel existant. Par prudence, d’ici trois à quatre mois, on pourra avoir une meilleure visibilité. A un moment, il y a eu une exploitation qui n’était pas très maîtrisée, parce qu’il y avait d’abord la consommation locale. Ensuite, nous avons observé qu’il y avait des sorties », relate notre source.
Depuis quelques années, l’exploitation du kosso (qui pousse en zone de savane, dans les régions de l’Adamaoua, du Nord-Ouest et de l’Ouest du Cameroun) est à l’arrêt. « Il faut surtout relever que la suspension du Cameroun concernant l’espèce n’était pas uniquement de son fait. Il y a ce problème qui est né en Afrique de l’Ouest, notamment le Sénégal, qui n’arrivait pas à maîtriser la gestion de cette espèce, en particulier le contrôle de son exploitation. Au niveau de ses sorties, le pays avait observé qu’il y avait beaucoup de quantités qui circulaient et qui venaient des pays voisins. Le Sénégal a donc sollicité le secrétariat de la CITES pour qu’on puisse l’accompagner dans la régulation de cette espèce. C’est ainsi qu’il est passé en article XIII et la suspension a concerné tout l’aire de répartition », analyse M. Mbock. « C’est pour cela qu’il y a 16 pays qui sont concernés. Nous avons observé que les problèmes étaient presque similaires, parce que la valeur que nous avons donné à l’espèce n’était pas très maîtrisée au niveau des Etats. Nous l’avons relevé en faisant du bois de rose un produit spécial pour avoir un meilleur contrôle », poursuit-il.
Le fait que l’exploitation soit à l’arrêt ne veut pour autant pas dire que le Cameroun dort sur ses lauriers. « Le travail en cours est d’avoir une bonne connaissance de la ressource pour voir si nous pouvons poursuivre le commerce et quelles sont les quantités qui doivent sortir. Il y aurait eu ce phénomène à un moment donné avec le Nigeria, mais depuis tout est arrêté. Il n’y a plus de trafic. Et si le secrétariat s’est déjà saisi, cela veut dire que si un pays accepte que le produit entre chez lui, il est condamnable. Chaque pays se rassure que ce produit n’entre pas sur son territoire. La mesure concerne tout le monde », rassure Germain Mbock.
Les bons points du « Wood Tracking System » au Ghana
Au Ghana, les perspectives seraient plutôt encourageantes. Avant que le Pterocarpus ne soit inscrite à l’annexe II de la CITES, le pays avait déjà fixé l’interdiction de son exportation, suite aux dénonciations des ONG environnementales sur le déclin de la ressource. « Depuis lors, l’interdiction n’a pas été levée. Et nous, en tant qu’autorité scientifique, nous avons également réfléchi sur les projections. Nous avons poursuivi avec l’interdiction et fixé le zéro quota pour l’exportation », affirme le point focal de l’autorité scientifique CITES au Ghana, Pr. Samuel Kingsley Oppong. Au sujet des avis de commerce non préjudiciable, notre interlocuteur est péremptoire sur le fait que le Ghana a discuté avec succès sur la question en juillet dernier, en Suisse. « Nos espèces de Pterocarpus qui viennent des fonds sous-marins ont été validés. Nous sommes censés poursuivre avec les espèces terrestres. Le fait que nous récoltons à 20 cm pourrait avoir un impact, même si nos analyses révèlent que nous n’avons pas de problème avec le recrutement, car l’espèce peut s’auto-régénérer. Il est prescrit que généralement, la plupart des Etats avaient l’habitude de récolter à 13 cm de diamètre », fait observer Pr. Oppong.
Le représentant du Ghana indique en outre que pour toutes leurs espèces de bois, l’Etat a mis en place le système de traçabilité du bois (Wood Tracking System) qui permet de tracer les volumes des différentes espèces qui sortent. « Nous avons placé le bois de rose sous le système de traçabilité, afin d’enregistrer les données sur le nombre de mètres cubes de bois qui quittent le territoire du Ghana. Nous sommes en train de voir dans quelle mesure créer des plantations de Pterocarpus. Nous avons donc créé des terrains dans plusieurs zones endémiques, même dans les parties du pays qui ne sont pas endémiques, en fonction de leur taux de croissance », révèle Pr. Oppong.
Un aspect à relever et non des moindres : le Ghana revendique 23 000 mètres cubes d’espèces terrestres de Pterocarpus, sous la base des analyses des données. « Mais, nous avons convenu que le niveau requis pour la récolte soit à partir de 20 cm. Et nous souhaitions projeter le cycle de récolte sur 50 ans. Mais, à la réunion, ils ont dit que dans la plupart des zones de récolte, il y a possibilité de récolter à 13 cm voire moins. Ainsi, en recalculant sur la base de 13 cm, nous pensons que nous avons 80 000 mètres cubes qui seront gérés de façon durable », se réjouit Pr. Samuel Kingsley Oppong.